La régénération naturelle assistée
Une technique agroforestière de développement de la végétation spontanée
Agroforesterie et régénération naturelle assistée
Victime de la mécanisation et des remembrements en vigueur pendant plusieurs décennies, l’arbre a longtemps régressé dans les espaces ruraux. Aujourd’hui, les connaissances techniques, les enjeux de société et les politiques agricoles ont permis son retour en bordure comme à l’intérieur des parcelles à travers l’agroforesterie et la plantation d’essences forestières et/ou fruitières notamment.
Cependant, dans de nombreuses situations, les arbres et arbustes poussent ou pourraient pousser seuls, avec peu d’intervention, pour peu qu’on les laisse se développer, qu’on les gère en conséquence, et que l’on accepte de passer par des stades de transition souvent considérés comme disgracieux.
C’est la régénération naturelle assistée (RNA), une technique agroforestière de gestion des friches, des terrains non cultivés, voire des surfaces pastorales.
Techniques de la régénération naturelle assistée
Sur les sols nus ou présentant un faible couvert végétal, certaines plantes se développent spontanément : ce sont les espèces pionnières, comme la ronce, le prunellier ou encore le genêt. Adaptées à des contextes perturbés, aux sols appauvris ou compactés, elles sont les premières à coloniser ces espaces nus et ouverts à la lumière. Leur rôle : permettre une amélioration progressive du milieu, préalable indispensable à l’implantation ultérieure d’arbres et d’arbustes.
Cette étape transitoire est nécessaire à la bonne implantation de la future haie ou de la zone boisée. Les espèces pionnières décompactent le sol, l’enrichissent, et protègent les jeunes plants de la dent des cervidés. Puis en quelques années, les arbres et arbustes prennent le dessus, c’est ce que l’on appelle le « processus de recrutement ».
En adaptant les méthodes « classiques » de fauche/broyage à ras souvent pratiquées pour l’entretien de ces surfaces peu propices aux cultures, la RNA permet aux espèces pionnières de croitre et de se développer, tout en laissant faire la nature. Sa mise en place se fait par un arrêt des interventions, et si nécessaire par l’installation de « mises en défend » et de dispositifs d’accompagnement, comme l’entreposage de branchages par exemple.
La régénération naturelle assistée est un préalable indispensable à l’implantation ultérieure d’une formation ligneuse d’essences locales, avec une génétique adaptée, les recrues (arbres d’avenir) étant directement sélectionnées parmi les accrus.
Exemple de l’installation d’une haie champêtre par régénération naturelle assistée. Stades 1 à 3 : régénération naturelle assistée (espèces pionnières prédominantes), Stades 4 à 5 : haie champêtre (émergence et installation de ligneux)
Elle constitue une phase de transition entre la bande enherbée et la haie. La période de la RNA peut durer plus ou moins longtemps en fonction de l’environnement et des ressources génétiques disponibles à proximité, et des modes de gestion appliqués (gestion des accrus/sélection des recrues, protection/taille, co-plantations complémentaires, etc.)
Les techniques de régénération naturelle assistée peuvent être mises en place sur les bandes tampons en bordure de cours d’eau, dans les bandes enherbées en bordure de champ, sur les talus, sur les accotements des routes… et à terme, pourquoi pas, au cœur des parcelles agricoles ?
Potentiel de développement de la RNA en France
Si l’on considère toutes les surfaces potentiellement convertibles en France, le potentiel de développement de la RNA est considérable. A savoir :
- 270 000 km de cours d’eau en France (souvent associés à des bandes enherbées)
- 380 000 km de voirie départementale
- 10 000 km de voirie nationale
- De même que les talus, les zones non exploitables, les zones non productives, etc.
La régénération naturelle de la végétation spontanée offre une solution efficace, simple et bon marché, extrêmement polyvalente, adaptable à de nombreuses situations et applicables à différentes échelles : équiper un bassin versant, verdir un accotement, structurer une exploitation, paysager une construction, stabiliser une pente, protéger une zone de vent, clôturer une parcelle, etc.
Intérêts de la RNA
La régénération naturelle assistée présente de nombreux intérêts :
- Technique : simplification des itinéraires et des pratiques de gestion, facilité d’application de la RNA ;
- Economique : faible coût de mise en place et d’exploitation, la RNA demande très peu d’investissement initial, en temps de travail et en moyens financiers, et une zone en régénération naturelle assistée demande moins d’entretien qu’une zone régulièrement broyée à ras (source d’économies) ;
- Productif : une fois la phase d’installation de la RNA terminée, la zone présente une structure ligneuse (haie, ripisylve, etc.) qui produit de la biomasse exploitable en bois énergie, en fourrage ligneux, en amendement organique, en litière, voir à terme en bois d’œuvre, source de revenus complémentaires pour l’exploitant agricole ;
- Fonctionnel : évacuation et absorption des pluies, stabilité des reliefs et lutte contre l’érosion, amélioration de la fertilité des sols, atténuation des aléas climatiques à l’échelle de la parcelle, séquestration de carbone dans la biomasse et dans le sol ;
- Ecologique : siège d’une biodiversité absolument nécessaire, les zones en régénération naturelle assistée fournissent nourriture et habitats pour la faune et la flore sauvage ;
- Génétique : la végétation spontanée qui s’installe est issue de graines produites par des essences locales. En créant des zones en RNA, nous conservons in-situ le potentiel génétique existant de ces variétés locales et sauvages ;
- Esthétique : fort impact sur l’identité de nos campagnes, embellissement du paysage.
Enjeux et services de la régénération naturelle assistée
Avec la RNA, la haie peut donc reconquérir des territoires sans empiéter sur les activités économiques, sans concurrencer les besoins en agriculture et en urbanisation, et permettre d’optimiser la gestion de l’espace. Ces zones aujourd’hui peu ou pas valorisées peuvent ainsi concourir à la production d’énergie, de fertilité, de fruits, de nectars, de paysages, d’habitat pour la faune, de biodiversité, de conservatoire de la génétique locale… Cela tout en stockant du carbone, en participant à la préservation de la qualité de l’eau et des sols, en protégeant les cultures, les élevages et les bâtiments des intempéries et des aléas climatiques.
La régénération naturelle assistée permet d’aménager avantageusement un paysage à moindre coût. Le paysage redevenu fonctionnel grâce aux structures écologiques renforce sa robustesse face aux aléas climatiques, possède des corridors de circulation des espèces, nourrit tout un écosystème, retient les sols, filtre l’eau… et n’altère pas les rendements agricoles.